• Gestation pour Autrui — enfant et matrice

    Dans l'échange poli entre Alex Goude et Henri Guaino samedi (jeudi) dernier, à propos de la gestation pour autrui, chacun confrontait son point de vue à partir de motivations intimes, l'un par son envie d'enfant, l'autre par le sentiment de manque (parent biologique manquant). Si la gestation pour autrui reste encore interdite en France pour les couples homosexuels, il me semble justement que le débat évinçait une pièce importante. 

    Cette petite affaire de GPA écarte tout de même un peu trop facilement le registre psychologique, notamment chez l'enfant. Ce dernier sera inévitablement confronté, à un moment ou à un autre, à la question de l'origine, son origine, qui est toujours posée dans le développement de soi. Que cette question soit directe (demander aux parents d'où l'on vient), ou indirecte (se lancer dans un questionnement introspectif). Être fils d'Alex Goude et son compagnon ne suffira pas, dans la mesure où ni Goude ni son compagnon n'ont porté l'enfant, c'est-à-dire accueilli son émergence à partir du flou cellulaire (du point de vue de la pensée) jusqu'à la délivrance du petit être formé.

    Que répondrait alors Alex Goude au fils qui lui demanderait d'où il vient ? Qu'une mère porteuse aura assuré le prêt de sa matrice, au moins 9 mois durant. Que le matériel génétique soit ou non mêlé à celui de la femme, l'interrogation restera la même sur la place de cette femme dans la vie de l'enfant, dans sa vie psychique. Cette femme n'étant pas une machine, elle aura partagé quelque-chose d'elle-même dans les premiers développements de l'enfant auxquels participe la vie fœtale : des bruits, une voix, un goût, des rythmes, une anastomose, une particularité génétique si elle prête aussi ses gènes, puis le moment de la libération, des premiers contacts cutanés, des premières odeurs, peut-être même la première déglutition, le lait, toute première sensation de satiété. Ce n'est pas rien. On ne balaye pas aussi facilement de l'esprit une telle accumulation d'expériences primordiales.
    Imaginons que cette femme prêteuse continue de voir l'enfant, comment la considérera-t-il ? Certainement pas comme un simple utérus, ce qui la réduirait à une génisse. L'administration la qualifie d'ailleurs de « mère » porteuse : comment ce mot, « mère », résonnera-t-il dans l'esprit de l'enfant ? Lui dira-t-on qu'il a une mère qui n'est pas sa mère ?

    La GPA mériterait un questionnement un peu plus approfondi que la simple réalisation d'une envie d'enfant chez un couple homosexuel, quel qu'il soit, aussi bien intentionné soit-il, en attendant que la norme procréative — le rapport à la norme est une autre dimension importante du développement de l'enfant, notamment à l'adolescence — glisse vers une déshumanisation de la gestation, c'est-à-dire ne rende possible le développement fœtal complètement in vitro, séparant alors définitivement l'enfant de l'être porteur dans la question de l'origine.

     

    Qu'adviendra-t-il de la généalogie à l'avènement des utérus artificiels et du matériel génétique extérieur, voire de synthèse si c'est un jour possible ? Comment la génétique comprendra-t-elle les migrations humaines quand il sera devenu impossible de suivre les mutations naturelles ? Autant de nouvelles dimensions de recherche en perspective. 


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :