• Leslie Jones, humoriste connue de New York, fait partie du casting de la dernière livrée du film excentrique des chasseurs de fantômes, Ghostbusters 3. Mais voilà que cette nouvelle composition, dans un contexte actuel un peu tendu aux États-Unis, a aimanté quelques commentaires désagréables à son encontre, notamment racistes, puisque elle est noire, via les réseaux sociaux, en particulier Twitter. Devant l'afflux de messages hautement déplacés, l'humoriste a donc fini par quitter l'oiseau bleu, avant que la direction du groupe numérique ne finisse par enfin réagir. Pourquoi une telle lenteur, est-ce le dilemme de la liberté d'expression ?

    Une des causes de cette léthargie se trouve peut-être dans la structure même d'un réseau social. Le monde du « j'aime / j'aime pas », des croisillons haineux trouvent une réplique chez des croisillons amoureux, avec principe d'identification, et la dynamique tourne ainsi, indéfiniment, sautant d'un thème à un autre au gré des humeurs. Et tous ces mouvements d'octets, en flux et reflux, génèrent on ne sait trop comment au prestataire du service un revenu conséquent. Sans doute est-ce là une extension du principe de libre circulation, la libre circulation de tout ce qui passe par la tête des gens, le registre passionnel, et l'on trouvera même ici un centre de traitement des Big Datas pour en extraire des données à forte valeur ajoutée.

    Alors dans ces conditions, les propos racistes à l'encontre de Leslie Jones sont laissés noyés dans la multitude des processus en jeu, car même ce contenu détestable est susceptible d'engendrer une valeur, par exemple plus d'attention vers le film, plus de requêtes sur Leslie Jones, plus de buzz et d'échanges et de clics… En d'autres termes, le contenu se retrouve défait de sa connotation, comme un pur produit marketing, à l'instar des voiles islamistes vendus depuis peu par les grandes marques textiles sans que jamais la question des droits de la femme ne soit posée. Peu à peu le monde se Pokemon Go.


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  • D'un point de vue purement sémiotique, il est remarquable que la fusillade vengeresse se soit produite à Dallas, quand on sait ce que la série du même nom (peut-être aujourd'hui oubliée) représentait dans l'inconscient collectif américain en matière de complications dans les relations humaines et leurs rebondissements déconcertants. Car la fusillade aura émergé comme une sorte de rebondissement théâtral, prenant à rebours les manifestants eux-mêmes, et que le Texas se sera empressé d'exploiter pour retourner en faveur des policiers la tendance communicationnelle, alors que les meurtres très rapprochés de deux noirs par la police promettaient le recrutement massif des consciences en faveur des Black lives matter.

    Plus remarquable encore, toujours dans le registre symbolique, est le fait que cette fusillade meurtrière ait été commise par un vétéran de l'armée américaine, au moment où il semblait acquis, dans la représentation sociale, que les Vets malmenés par l'administration américaine confient leurs espoirs au candidat Trump. Voici donc qu'un vet, accepté comme figure d'injustice, assassine froidement des policiers sur un critère, comble de malheur, racial. Les communicants de Trump vont devoir faire preuve de prouesses intellectuelles pour à la fois pérenniser le symbole des policiers méritants (l'évènement de Dallas effacera sans doute mal l'image des meurtres précédents, trop récents), et celui des Vets appariés à l'honneur et à la probité dans le discours. Les communicants d'Hillary Clinton ne seront pas en reste.

    Accessoirement, cette image Facebook de Micah Xavier Johnson levant le poing à la Black Power, affublé d'un vêtement africain, porte une coïncidence incroyable, qu'on aurait pu croire issue de l'imagination d'un scénariste aussi pointilleux qu'un Kubrick. Au-dessus d'une tête bien coiffée, barbe taillée, figure comme un phylactère l'inscription « Hair & Beauty ». Et derrière le bras qui porte le poing, le mot colors en blanc sur fond noir résonne avec la peau, la tunique bigarrée, et la motivation du triste évènement. Et ceci d'autant plus clairement que la photo, mal prise, a fait la mise au point sur les inscriptions du fond, les rendant à l'œil plus visibles que le personnage trop flou, « l'homme pas net ». 
    Cette photo aura certainement un effet sur les esprits, elle est la plus utilisée par les médias et apparaît en premier sur Google. Reste à déterminer la nature de l'effet.

    Enfin, mais vraiment très accessoirement, histoire de tirer les symboles jusqu'au bout du bout, l'utilisation d'un robot pour neutraliser le tueur pourrait merveilleusement entrer en résonance avec l'usage des exécutions par drone, d'autant que le logement du tueur semblait héberger un véritable arsenal à destination d'un projet d'action beaucoup plus destructeur, de l'ampleur d'un attentat. Afrique, vétéran, barbe, attentat, drone : ingrédients idéaux du prochain film d'action hollywoodien.


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